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Séminaires transversaux de l'École doctorale
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2022-2024
Problèmes (de) critiques
On connaît la formule célèbre du comédien Philippe Néricault Destouches au XVIIIe siècle : :La critique est aisée, mais l'art est difficile ». Induisant une séparation hiérarchique, elle relègue le discours sur l’œuvre à un rang subalterne, et débouche aisément sur l’idée du critique comme créateur raté. C’est qu’il n’est pas si facile que cela, dans le domaine des Lettres, Arts et Sciences Humaines, de fonder en raison la seconde main.
Or, cette dernière, sous ses diverses formes (philologiques, historiographiques, herméneutiques), constitue le lot et le geste communs des universitaires et doctorants de ces domaines. Le présent séminaire entend jeter un regard réflexif sur les démarches interprétatives propres aux différentes disciplines qu’il mobilisera (Littérature, Philosophie, Musique, Cinéma et Arts visuels), en accusant les spécificités de ces dernières selon une perspective historique si besoin, comme en pointant les problèmes qui sont actuellement les plus saillants en la matière dans chacun des champs concernés – y compris en interrogeant le motif « deleuzien » mais aussi neurophilosophique du cerveau plastique, cerveau artiste. Prendre au sérieux les pratiques critiques en tant qu’elles sont créatives impliquera ainsi de revenir sur l’ancienne division entre la production d’une œuvre (« active ») et sa réception, qui ne serait que « passive ». L’on défendra de la sorte, du point de vue de l’esthétique philosophique, une compréhension active, et bel et bien créative, de la réception critique. On pourra pour cela étudier par exemple les ressorts spéculatifs de l’émergence de certains lieux propres de la critique comme le musée ou l’institut d’histoire de l’art, en les rapportant au verdict hégélien de la « mort de l’art ».
Séance 1 ---> VENDREDI 12 MAI 2023 (matinée)
La prolifération critique dans le monde des lettres allemandes à la fin du XVIIIe siècle signale une crise esthétique d’une ampleur inédite, que nous rapprocherons du diagnostic énigmatique de Hegel de la mort de l’art. Loin de signifier la fin pure et simple des pratiques artistiques ou même un déclin supposé de sa qualité, comme on le lit parfois, on peut l’envisager comme une description particulièrement inspirée d’une situation symbolique et anthropologique nouvelle, celle de l’art autonome, c’est-à-dire d’un art affranchi de toute autre fonction sociale que la contemplation esthétique, et de son institutionnalisation, notamment à travers l’apparition d’un lieu à la logique singulière, le musée. On pourra ainsi réinterpréter la prolifération critique – notamment chez les romantiques pour qui la critique accomplit ou parachève l’œuvre d’art – comme symptôme de cette nouvelle logique de l’œuvre d’art autonome et de ses conséquences aussi bien esthétiques que métaphysiques.
Séance 2 ---> VENDREDI 12 MAI 2023 (après-midi)
À l’issue d’une brève histoire de la critique littéraire d’interprétation, la « nouvelle imposture » dont parlait Raymond Picard (critiques formaliste, psychanalytique, sociologique, et critique de la conscience), et des débats auxquels elle a pu donner lieu, on examinera en détail deux questions que certaines de ses tendances ont abordées ou effleurées, mais qui demeurent encore aujourd’hui comme des points de fuite dans la théorie littéraire. Il sera d’abord question de la « lecture », avec toute l’équivoque du terme français, qui autorise la mobilisation de la compétence savante et spécialisée, mais aussi de paramètres à trouver dans d’autres disciplines (sociologie, cognitivisme, phénoménologie…), problématisant d’autant la notion et son appréhension. Il sera ensuite question de la critique comme œuvre, de la réflexion sur le style ou la poétique de la critique, bref de la façon dont la critique peut prétendre à l’œuvre.
La notion d'intégration du cerveau et de l'art, des neurosciences et de l'esthétique, donne lieu à des intersections diverses, voire irréconciliables - des projets qui forment d'étranges compagnons. Notamment, une tendance, peut-être la plus classique, véhicule ce que j'appellerai un esprit « positiviste », dans lequel le domaine de l'esthétique est subsumé sous une prétendue règle de la science (expérimentale, quantitative, mesurable, dépersonnalisée). En clair, la neuro-esthétique positiviste cherche à employer un langage d'autorité neuroscientifique pour « expliquer » les phénomènes esthétiques. À l'opposé, une autre tendance cherche à subsumer la prétendue neutralité et le caractère limité par des règles du « cérébral » sous la rubrique de la transformation culturelle et symbolique : une sorte d'hyperplasticité culturelle, pour ainsi dire. J'appelle ce programme « neuroesthétique idéaliste », car ici, le cerveau est asservi à une sorte de production formelle (même si ce n'est pas, il est vrai, celle des idées platoniciennes). Je distingue entre neuro-esthétique positiviste (scientiste), neuro-esthétique idéaliste et un projet plus politique, où la neuro-esthétique idéaliste est réinscrite dans l'espace socio-politique, avec l'espoir qu'une neuro-esthétique dans laquelle la pratique artistique peut sculpter le cerveau, peut s'avérer émancipatrice, dans sa manière de créer de nouveaux « circuits » dans le cerveau, comme dit Deleuze.
Séance 4 ---> VENDREDI 26 MAI 2023 (après-midi)
- De la métaphore comme traversée nécessaire des champs physiques.
Voies négatives et processus d'écriture : pour des outils théoriques en recherche-création.
L’objectif de ce séminaire transversal (transartistique et transdisciplinaire) est d’ouvrir des perspectives pour les doctorats en recherche-création littéraire, en alliant outils théoriques et pratiques, de manière à tisser un pont entre philosophie et création, et permettre d’articuler les trois parties de ce nouveau doctorat (dimension créative, dimension autoréflexive, dimension théorique) en ouvrant un nouveau champ d’approche transversal qui relève de l’épistémologie du processus créateur.
Il s’agit ici d’étudier le processus créateur, non d’un point de vue rhétorique, mais d’un point de vue anthropologique et philosophique, en montrant comment il délimite à la fois un champ d’expérience et un outil de connaissance propre à réorganiser les savoirs, notamment littéraires, dans le cadre d’une approche heuristique.
Dans le contexte de la pandémie mondiale, les notions négatives de détachement, de renoncement font désormais partie de notre monde contemporain, nous invitant à de nouvelles formes de vie, nous incitant à revoir notre relation à nous-mêmes et aux autres, à dépasser les rhétoriques de la certitude, à nous confronter aux impasses de nos représentations. Par « voie négative », nous n’entendons ni un déconstructivisme postmoderne, ni un avatar du nihilisme, mais un mode d’appréhension de l’inconnu par le biais du seul fait de créer, à travers un lexique que des écrivains et des artistes remettent au goût du jour, nous confrontant aux questions anthropologiques que sont la présence et l’absence, l’événement et l’apparition, le corps et la chair, le visible et l’invisible, le langage et la parole.
Ce séminaire permettra de confronter et de croiser des approches propres à la littérature, aux arts plastiques, aux arts de la scène.
Séance 1 ---> JEUDI 9 MARS 2023
Séance 2 ---> JEUDI 6 AVRIL 2023
Séance 3 ---> JEUDI 11 MAI 2023
2021-2023
Pour une axiologie des arts et des lettres : valeur des oeuvres et discours des valeurs.
Toute thèse dans le domaine de la littérature ou des arts engage un effort pour comprendre et interpréter les œuvres au plus juste. Cela nécessite de convoquer différentes approches : historique (histoire littéraire, histoire des arts, histoire culturelle), esthétique et stylistique, herméneutique (suivant différents courants de la critique littéraire), idéologique, etc. Quoique l’exercice académique qu’est la thèse prétende à l’objectivité scientifique, il n’est pas exempt de tout jugement de valeur, qu’il convient d’expliciter. L’axiologie offre donc une autre entrée fructueuse dans les œuvres, à deux niveaux :
- L’appréciation qualitative des œuvres (autrement dit, leur valeur : comment la définir ?)
- Le contenu éthique des œuvres (autrement dit, les valeurs qu’elles véhiculent : quel rapport au monde expriment-elles ?)
Ce questionnement, qui permet d’interroger les œuvres dans leur complexité, connaît un regain d’actualité dans la réflexion critique de notre début de XXIe siècle (voir Bibliographie), peut-être en réaction ou en réponse à la crise du sens engendrée par l’effondrement des idéologies et le désenchantement du monde postmoderne. S’interroger sur la valeur des œuvres, c’est aussi se demander ce que peuvent les arts et la littérature.
Penser les œuvres par l’axiologie, c’est les considérer dans un jeu fécond de tension dialectique entre la forme et le contenu, l’absolu et le relativisme, l’actuel (contingent) et l’intemporel (universel), la norme et sa transgression, l’utilité et la gratuité. C’est se confronter aux fluctuations de l’histoire du goût et de la réception des œuvres (d’où la nécessité de repenser le canon). C’est comparer les arts, les genres, les sujets et interroger leurs possibles disparités (y a-t-il des arts « majeurs » ou « mineurs », de « grands » et « petits » genres, des sujets « sérieux » ou « légers » ?) Pourquoi la Phèdre de Racine l’a-t-elle emporté sur la Phèdre de Pradon (toutes deux écrites en 1677) ? Les héros des Vies minuscules narrées par Pierre Michon (1984) sont-ils moins importants que ceux de L’Iliade d’Homère ? L’intensité poétique d’un haïku de deux vers peut-elle rivaliser avec Les Contemplations de Victor Hugo ? Un best seller a-t-il une valeur autre que commerciale et médiatique ? Une œuvre d’art doit-elle être belle ? Quelle expérience éthique est déclenchée par des œuvres aussi dissemblables que La Joconde de Vinci, Le Radeau de la Méduse de Géricault, un ready-made de Duchamp ou un monochrome noir de Soulages ? Quels sont leurs prix respectifs sur le marché de l’art ? De quoi Bach est-il le nom ? La liste de questions pourrait encore s’allonger…
Le présent séminaire aidera à identifier les niveaux d’analyse passibles d’une approche axiologique, dans une perspective pluridisciplinaire (littérature, arts, philosophie), diachronique (de l’Antiquité à aujourd’hui) et multiculturelle (littératures française et anglophone). Les enseignants-chercheurs impliqués exploreront le champ axiologique à partir de leurs domaines de spécialité ; ils développeront des études de cas et proposeront des repères historiques et conceptuels.Séance 1 ---> vendreDI 13 janvier 2023 (matinée)
Séance 2 ---> vendreDI 13 janvier 2023 (après-midi)
Séance 3 ---> vendreDI 17 février 2023 (matinée)
Séance 4 ---> vendreDI 17 février 2023 (après-midi)
Bibliographie indicative (Consultez le catalogue des formations ALLPH@)
La conversation médiatique et médiatée, entre civilité et socialité.
Ce séminaire envisage de suivre une partie de la programmatique de G. Tarde, qui envisage « une histoire complète de la conversation chez tous les peuples et à tous les âges » (Tarde, 1901 : 7). Reprenant cette proposition, mais aussi une certaine conception maximaliste de cet auteur (puisque dans sa génétique, il appréhendait les échanges épistolaires comme l’un des maillons de l’histoire de celle-ci), est ici envisagée l’apparition de ce rapport social élémentaire. Mais si G. Tarde attribue la diversité des conversations à différents facteurs (nature des causeurs, degré de culture, situation sociale, origine, habitudes professionnelles, religion) et critères (sujets traités, ton, cérémonial, rapidité d’élocution, durée), il n’envisage pas les supports et canaux, qu’il neutralise au profit des dynamiques interactionnelles ; ainsi, l’échange téléphonique, utilitaire, ne constitue pas une conversation à ses yeux, alors que le journal est une conversation publique, « procédant (…) de la conversation privée » (Tarde, 1901 : 73). C’est sur ce point que nous divergeons de cet auteur, nous proposant d’aborder celle-ci sous diverses formes et en divers lieux (médias, littérature, cinéma, enseignement).
Des causeries policées sur les ondes radiophoniques aux échanges dans les réseaux sociaux numériques, l’objectif de ce séminaire est d’établir les enjeux de la conversation, de ses avatars et de ses représentations. Partant d’un descriptif, celui défini par l’analyse dite conversationnelle, il envisage d’augmenter l’empan et l’entour de celle-ci en questionnant la transposition des techniques langagières aux dispositifs de communication médiatique, aux textes littéraires ou philosophiques, au scénarisations filmiques ou vidéoludiques, questionnant les dimensions (micro)sociologiques et culturelles ainsi impliquées.
Forme primordiale de la sociabilité humaine (Heritage, 2008), la conversation permet d’esquisser les traits biographiques des personnages dans la littérature ou le cinéma. À la fois source et ressource, elle se présente dans les médias (interview, commentaire sportif dual, talk show) sous une forme dite artificielle, mais ressurgit sous sa forme naturelle au détour d’un oubli du cadre.
Scène fondamentale de la vie sociale (« the fundamental or primordial scene of social life » « a distinctive form of this primary constituent of social life ») (Schegloff, 1996 : 54), elle est centrée sur le contact, et porteuse d’une forte coloration consensuelle. En d’autres termes, la finalité de celle-ci est le maintien du tissu social.
Ainsi, du public au commun ou du public au privé, la conversation est l’opérateur, l’interface qui permet de passer d’un niveau à l’autre. G. Tarde renvoie à M. Gidding, dont il estime les perspectives particulièrement éclairantes. Glosant cet auteur, il avance que « quand deux hommes se rencontrent, la conversation qu’ils ont ensemble n’est qu’un complément de leurs regards réciproques par lesquels ils s’explorent et cherchent à savoir s’ils appartiennent à la même espèce sociale, au même groupe social » (Tarde, 1901 : 61). C’est également en ceci que ce séminaire compte explorer la conversation, en tant qu’elle permet de faire émerger les publics et les identités, comment la coprésence réelle ou virtuelle devient conversation et comment cette conversation, fait groupe, structure, et construit le groupe en public.
La configuration conversationnelle des échanges langagiers contribuerait également à une socialisation de la forme du discours médiatique, non seulement dans le but de créer les effets de familiarité, mais aussi afin de convoquer les logiques sociales à l’œuvre dans la réception du spectacle audiovisuel. Celui-ci produit une forme de parole captée, « une conversation ‹ naturelle › qui s’opposerait à la déclamation théâtrale » (Schaeffer, 1970 : 104-105), que P. Schaeffer recherche à travers les expériences du Studio d’Essai. Cette naturalité du lien conversationnel produit donc un lien de sociabilité faisant émerger, en raison de l’ordre de l’interaction, des attentes quant à la conduite de l’autre, un langage, un système de représentations, un ensemble de traces matérielles de la médiation. Le sens ainsi construit est celui du lien social que génère toute pratique spectatorielle, ce qui conduit O. Welles à faire de la télévision une conversation, i. e. une familiarité, perception que reprend A. Bazin (1951). En effet, les pratiques conversationnelles ne dépendent pas tant de caractéristiques sociales et psychologiques qu’elles ne sont un révélateur – J. Heritage (2008 : 303) parle de medium – de ces dernières dans une perception de la parole comme sociabilité.
INTERVENTIONS 06/01/2023
Hilda INDERWILDI (CREG) • « La conversation dans les émissions télévisées allemandes »
Bibliographie indicative (Consultez le catalogue des formations ALLPH@)