Séminaires transversaux de l'École doctorale

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2023-2025


Développer la critique esthétique et politique de la littérature et des arts contre les (auto)censures sociales et morales en recherche et en pédagogie

Nous réunirons autour d’une table les enseignant.e.s chercheurs et chercheuses, les doctorant.e.s, les étudiant.e.s, les autres personnels de l’université qui le souhaitent, à l’occasion de ce séminaire pluri- et inter-disciplinaire où nous entendrons des universitaires de disciplines différentes pendant une première partie de séance autour de notre sujet. Ces prises de parole seront suivies à chaque fois d’un atelier éditorial animé par les organisatrices en vue de la rédaction collective d’un ouvrage ou numéro de revue sur ces questions (échéance 2025-2026). Ce travail de recherche ouvert et pluraliste permettra d’esquisser une théorisation polyphonique des nouvelles ou faussement nouvelles censures et des méthodologies critiques et approches esthétiques et politiques que nous pouvons adopter en vue d’une meilleure vie académique. Pour éviter les censures et les auto-censures sociales et morales dans le cadre de la recherche, de la recherche-création et de l’enseignement, nous explorerons entre autres ces grands axes de réflexion épistémologique : admettre le conflit pour éviter la violence dans nos activités universitaires d’enseignement, de création et de recherche ; développer la critique esthétique et politique en place de la censure « ressentiste » ; penser la relation scientifique, artistique et pédagogique sur un mode dialogique..


Séance 1 ---> LUNDI 22 JANVIER 2024
Muriel PLANA et Nathalie VINCENT-ARNAUD - Introduction au séminaire et animation table-ronde
Elise VAN HAESEBROECK   •   « Ce que l’art et l'éthique ont à gagner et à perdre dans le tournant moralisateur de l'art contemporain. Autour de L'art sous contrôle : nouvel agenda sociétal et censures militantes de Carole Talon Hugon »

Séance 2 ---> LUNDI 4 MARS 2024
Muriel PLANA et Nathalie VINCENT-ARNAUD - Animation table-ronde
Muriel PLANA   •   « Le dialogisme contre l’Identité : pour des approches esthétiques et politiques des œuvres et des pratiques »
Nathalie VINCENT-ARNAUD   •  « Les identités aux frontières du traduire : passages et périls ». Études de cas.
 
Séance 3 ---> LUNDI 29 AVRIL 2024 
Muriel PLANA et Nathalie VINCENT-ARNAUD - Animation table-ronde
Muriel RAYNAL-ZOUGARI   •   « Contextualisation des objets d'analyse : historicité des œuvres (au prisme de l’histoire des idées, des normes, des esthétiques) »

Séance 4 ---> VENDREDI 24 MAI 2024
Muriel PLANA et Nathalie VINCENT-ARNAUD - Animation table-ronde
Anne PELLUS   •   « Du cours d’analyse de spectacles à « l’atelier du spectateur » : réflexions sur les conditions de possibilité d'’un espace de conflictualité productive. »
Aurélie GUILLAIN   •   « Retours d'expérience d’une salle de classe états-unienne : présentation de l’ouvrage d’Elena Rakhimova-Sommers, Teaching Lolita in the post me-too era. Lexington Books, 2020. »
 

Théories féministes face aux gestes de créations cinématographiques : dynamiques, places, interactions, déplacements.

Le film de Chantal Akerman Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles, élu en 2023 meilleur film de l’histoire du cinéma par les critiques de Sight and Sound, constitue depuis la fin des années soixante-dix l’un des films-emblèmes des mouvements féministes. Pour autant, Chantal Akerman, en 1975, ne se proclamait pas « féministe », ce qui suscita la question d’Angela Martin dans le numéro 3 (1979) de Feminist Review : « Une cinéaste qui déclare ne pas être féministe peut-elle réaliser des films féministes ? ». Un débat fécond s'ensuivit. Si ce film ne peut être unilatéralement interprété comme un acte de dénonciation envers l’ordre établi – conséquence de la domination patriarcale qui voit les femmes être seules en charge de la besogne ménagère – il n’en demeure pas moins un geste politique qui, loin de l’incriminer, proclame la prégnance du quotidien domestique au sein même de nos existences.
L’exemple de Jeanne Dielman trace l’un des premiers jalons de réflexion de ce séminaire doctoral. Comment certaines œuvres cinématographiques deviennent-elles des films-totems des mouvements féministes ? Il s’agira de dresser l’évolution historique de ce processus et d’analyser les modalités de ces « iconisations progressives », d’en dresser l’évolution historique. À l’inverse, comment des films tels que Baise-moi (2000) de Virginie Despentes ou plus récemment Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (2019) deviennent-ils des catalyseurs d’une évolution sociale, influant simultanément sur les théories féministes et la société elle-même ?
Un autre volet analytique concerne les dynamiques qu’induisent les théories et les mouvements féministes sur la production cinématographique. Les exigences de parité, l’apparition de motifs récurrents et célébrés, l’émergence de nombreux festivals spécialisés dans les films de femmes (Festival de Créteil par exemple) constituent des forces qui modifient l’écosystème du cinéma contemporain. On interrogera ainsi la question de la fabrique de l’œuvre. La place des discours féministes dans les politiques publiques (notamment celles menées par le CNC) ainsi que dans la société, influence le geste de création cinématographique en modifiant les équilibres genrés au sein de l’équipe de film. La dynamique de l’équipe autour de la question du genre est devenue incontournable et âprement discutée, ce qui modifie son acte de création et de réception. À titre d’exemple, la bande dessinée Persepolis et le film éponyme de Marjane Satrapi sont des objets d’analyses très riches au prisme de cette problématique. La place de sa créatrice (qui en est également le personnage principal), la genèse du film coréalisé avec Vincent Paronnaud ainsi que la constitution d’une équipe d’animation plus féminisée que celles des films produits à l’époque (sans que la parité soit atteinte) seront interrogées. Un autre cas exemplaire de ces choix concernant les équipes de tournage a été revendiqué et remarqué pour le long métrage de fiction lesbo-pornographique de la cinéaste argentine Albertina Carri : Las hijas del fuego (2018), mettant en évidence la possibilité, dans le contexte de l’Argentine post-Ni Una Menos, de réaliser collectivement un projet pornographique relativement « grand-public », un « porno Disney » selon la cinéaste, qui à la fois rend compte et participe de l’activisme sexo-dissident.
Il s’agira dans ce séminaire doctoral d’analyser comment les théories féministes, productrices d’une pensée sociale et historique, considèrent les œuvres cinématographiques comme un enjeu simultanément discursif et performatif, construisant sans cesse des interactions avec la vie. Mettre en question le film pour mettre en question la société : qu’est-ce que cela signifie exactement ? Comment les théories féministes enjoignent-elles à penser le film comme un horizon social, politique ? Comment les théories filmiques analysent-elles, sous le double prisme génétique et esthétique, des œuvres qui ne sont pas toujours construites dans une visée politique ? Et finalement, comment l’œuvre, entité toujours autonome, contribue-t-elle par sa puissance d’interpellation à effacer les séparations des champs épistémiques et disciplinaires pour solidariser une « pensée-constellation » qui échappe à tout processus de pétrification et d'enfermement théorique ?

INTERVENANTES
Sylvie CHAPERON - FRAMESPA (France, Amérique, Espagne, Sociétés, Pouvoirs, Cultures) est professeure d’histoire contemporaine du genre à l’Université de Toulouse Jean Jaurès et membre senior de l’IUF, spécialiste de l’histoire du féminisme et de l’histoire de la sexualité. Elle a publié récemment : avec Odile Fillod, Idées reçues sur le clitoris Anatomie politique et historique d’un organe méconnu, Paris, Cavalier Bleu, 2022, avec Adeline Le Grand-Clément et Sylvie Mouysset (dir), L’histoire des femmes et du genre. Historiographie, sources et méthodes, Paris Armand Colin, collection U, 2022.
Michèle SORIANO - CEIIBA (Centre d’Études Ibériques et Ibéro-Américaines). PhD Université de Pittsburgh, Professeure au Département d’études hispaniques et hispano-américaines de l’Université Toulouse Jean Jaurès. Ses recherches portent sur les féminismes latino-américains, les épistémologies (trans)féministes et queer latino-américaines, l'analyse des discours féministes, queer et contre-hégémoniques dans la littérature et le cinéma, ainsi que sur les questions méthodologiques que pose la mise en lumière de ces discours. Parmi ses publications : Soriano, Michèle (dir.), Féminismes latino-américains en traduction. Territoires dis-loqués (2020), Mullaly, Laurence et Soriano, Michèle (dir.), De cierta manera. Cine y género en América latina (2014) ; Soriano Michèle, « Screening sex. Agencia y pornografía en las obras de Albertina Carri », Kamchatka. Revista de análisis cultural, No 19, 2022, p. 81-113. Soriano, Michèle, « La bella tarea : queeriser l’enfantement », L’Ordinaire des Amériques [En ligne], No 228, 2022, URL : http://journals.openedition.org/orda/7161; Soriano, Michèle, « Des poupées et des chiennes. Queer/cuiriser les hétérotopies », Lectures du genre [en ligne] No 15 – « Boop oop a doop… Babies, pets and poodles », novembre 2021, URL : https://lecturesdugenre.fr/category/numero-15-performance-et-liberte-boop-oop-a-doop-babies-pets-and-poodles/ ; Soriano Michèle, Maury Cristelle et Courau Thérèse, « Muere Monstruo Muere : sous le gore, le genre… ou comment représenter les féminicides », Genre en séries [En ligne], No 11, 2020, URL : http://journals.openedition.org/ges/1049.
Bérénice BONHOMME - LARA-SEPPIA est maîtresse de conférences en cinéma à l’Université de Toulouse II Jean Jaurès (ENSAV). Elle est membre junior de l’Institut Universitaire de France et du laboratoire de recherche LARA-SEPPIA. Actuellement elle travaille sur les thématiques suivantes : Image et imaginaire ; La technique cinématographique dans son rapport à la création ; La question de l’équipe de film. Elle a publié Les Techniques du cinéma (Dixit, 2010), a développé un projet de recherche sur les chefs opérateurs français dans leur lien au numérique, sujet sur lequel elle a écrit plusieurs articles. Elle coordonne, en outre, avec Katalin Pór (Université de Lorraine, 2L2S) un projet de recherche sur l’équipe de film intitulé « Création collective au cinéma ».
Corinne MAURY - LLA CREATIS (Laboratoire Lettres, Langages et Arts) est maître de conférences HDR en esthétique du cinéma à l’Université de Toulouse – Jean Jaurès. Elle a publié Jeanne Dielman, 23 quai du commerce 1080 Bruxelles (Yellow Now, 2020). Du parti pris des lieux dans le cinéma contemporain (Hermann, 2018 & Edinburgh University Press, 2022), L'Attrait de la pluie (Yellow Now, 2013), Habiter le monde. Éloge du poétique dans le cinéma du réel (Yellow Now, 2011). Elle a notamment co-dirigé Béla Tarr, De la colère au tourment (Yellow Now, 2016), Raymonde Carasco et Régis Hébraud : à l’œuvre (PUP, 2016), Ecrire l’analyse de film. Un enjeu esthétique (Revue Théorème, 2019) et Lav Diaz : faire face (Post Éditions, fin 2021). Ses recherches portent principalement sur le cinéma contemporain (fiction et documentaire), sur l’espace au cinéma (lieu, paysage, territoire) et sur les formes quotidiennes de vie.

Séance 1 ---> JEUDI 7 DECEMBRE 2023 
Séance 2 ---> JEUDI 29 FEVRIER 2024
Séance 3 ---> JEUDI 28 MARS 2024
Séance 4 ---> JEUDI 25 AVRIL 2024

2022-2024

Problèmes (de) critiques

On connaît la formule célèbre du comédien Philippe Néricault Destouches au XVIIIe siècle : « La critique est aisée, mais l'art est difficile ». Induisant une séparation hiérarchique, elle relègue le discours sur l’œuvre à un rang subalterne, et débouche aisément sur l’idée du critique comme créateur raté. C’est qu’il n’est pas si facile que cela, dans le domaine des Lettres, Arts et Sciences Humaines, de fonder en raison la seconde main.

Or, cette dernière, sous ses diverses formes (philologiques, historiographiques, herméneutiques), constitue le lot et le geste communs des universitaires et doctorants de ces domaines. Le présent séminaire entend jeter un regard réflexif sur les démarches interprétatives propres aux différentes disciplines qu’il mobilisera (Littérature, Philosophie, Musique, Cinéma et Arts visuels), en accusant les spécificités de ces dernières selon une perspective historique si besoin, comme en pointant les problèmes qui sont actuellement les plus saillants en la matière dans chacun des champs concernés – y compris en interrogeant le motif « deleuzien » mais aussi neurophilosophique du cerveau plastique, cerveau artiste. Prendre au sérieux les pratiques critiques en tant qu’elles sont créatives impliquera ainsi de revenir sur l’ancienne division entre la production d’une œuvre (« active ») et sa réception, qui ne serait que « passive ». L’on défendra de la sorte, du point de vue de l’esthétique philosophique, une compréhension active, et bel et bien créative, de la réception critique. On pourra pour cela étudier par exemple les ressorts spéculatifs de l’émergence de certains lieux propres de la critique comme le musée ou l’institut d’histoire de l’art, en les rapportant au verdict hégélien de la « mort de l’art »..


Séance 1 ---> VENDREDI 26 AVRIL 2024 (matinée)  
Alet VALERO ( Études ibériques et ibero-américaines – CEIIBA)   •   « Le primaire et le secondaire »
Dans « Le Lecteur et son modèle » Bruno Clément (1999, PUF) commence d’emblée : « Lisant, par exemple, Tombeau de du Bellay de Michel Deguy, ou William Shakespeare de Victor Hugo, l’on dira aussi bien que l’on est dans un texte littéraire ou dans un commentaire. C’est que le « texte sur », le texte « secondaire » dès lors qu’il est signé d’une plume qui signa aussi des romans, des poèmes, des mémoires, autant de textes eux-mêmes susceptibles de devenir objets de commentaire, peut légitimement, semble-t-il, prétendre être lu comme un texte « primaire ». L’existence –et le nombre- de ces textes au statut ambigu invitent à interroger la pertinence de cette distinction « primaire/secondaire », habituellement reçue sans trop de questions (« Baudelaire est aussi un extraordinaire critique », « Hugo est aussi un formidable lecteur », etc.) ». D’où sa proposition « Pour une poétique de l’énarration » dont nous tenterons de suivre les arguments par un exercice très universitaire, semble-t-il, qui est le commentaire du commentaire, ou, si nous avons un tant soit peu compris, une énarration de l’énarration. L’auteur critique a choisi Voltaire-Pascal, Hugo-Shakespeare et Sartre-Flaubert. Si nécessaire, d’autres textes seront sollicités, chemin faisant, mais la « situation » des universitaires et doctorants sera constamment au cœur de l’entreprise.

Séance 2 ---> VENDREDI 26 AVRIL 2024 (après-midi)
Aline WIAME (Philosophie – ERRAPHIS)   •   « À quelles conditions la critique peut-elle être « dangereuse » ? »
Gilles Deleuze notait, à la fin de Cinéma 1 : l’image-mouvement, que la critique comprise étroitement est fatalement inoffensive et non dangereuse, par son manque de création positive. Cette défiance envers la critique, qui dépasse de loin son rapport au cinéma pour concerner tout son geste conceptuel, doit pourtant être articulé avec l’importance capitale, pour la pensée de Deleuze, des critiques de cinéma de Serge Daney. Il nous faudra donc ressaisir la « critique de la critique » deleuzienne à un double niveau – celui de la philosophie (théorie critique) et celui des arts (critique des arts comme forme de réception) – afin d’élaborer une typologie des divers gestes critiques. Il y aurait ainsi deux polarités structurant le champ de la critique : la critique se refermant sur la dénonciation et la répétition d’éléments qui lui préexistent, et la critique dépassant la dénonciation vers une forme de création propre et singulière. Afin de comprendre comment cette forme de critique créative et « offensive » peut s’instaurer aux niveaux artistique et philosophique, nous nous concentrerons sur la place paradoxale qu’y occupe la subjectivité du ou de la critique, en nous basant d’abord sur le dialogue Deleuze-Daney puis en ouvrant notre questionnement à d’autres penseurs (principalement Walter Benjamin et John Dewey) ayant renouvelé la compréhension de la critique interdisciplinaire au vingtième siècle.
 
Séance 3 ---> VENDREDI 31 MAI 2024 (matinée)
Stéphane PUJOL (Littérature – PLH-ELH)   •   « Critique de la raison dialogique »

Après avoir rappelé le renouveau critique porté par Mikhaïl Bakhtine qui voit en Dostoïevski l’inventeur du roman polyphonique ou dialogique, soit une forme artistique fondamentalement nouvelle dans laquelle les voix des personnages, comme autant d’instances discursives, se confrontent et entrent en tension, nous nous interrogerons sur l’actualité de cette ligne de lecture aujourd’hui. Qu’a-t-on encore à faire avec les notions de dialogisme et de polyphonie ? Qu’apportent-elles réellement à l’herméneutique des textes ? Pour Bakhtine, il n'existe pas de « langage poétique » spécifique, mais une interaction de discours, une hiérarchie de voix différentes (ce que Bakhtine appelle l’hétérologie).
Notre intervention concernera de fait deux problèmes théoriques : dans quelle mesure la notion de dialogisme engage-t-elle une discussion sur la définition du sens de l’œuvre ? y a-t-il une « vérité » du texte que la critique érudite serait apte à restituer, ou bien toute interprétation de l’œuvre littéraire partage-t-elle avec les réceptions (nécessairement plurielles) de l’œuvre par les lecteurs « ordinaires » le même coefficient d’incertitude


Séance 4 ---> VENDREDI 31 MAI 2024 (après-midi)
Claire GHEERARDYN (Littérature comparée - LLA CREATIS et IUF)   •   « Gestes critiques de la recherche face aux corpus contemporains »

Les chercheurs en littérature ne sont pas toujours des « critiques » : leurs travaux n’ont pas nécessairement pour but explicite de rendre des jugements sur la valeur des œuvres qu’ils examinent. Tout au contraire, dans leurs manières de solliciter les œuvres, la question de la valeur est fréquemment évacuée, laissée en suspens, ou présente, mais seulement de manière souterraine. Pourtant, les chercheurs en littérature sont bien appelés à opérer des gestes « critiques », au sens étymologique de ce terme (krinein : « tamiser », « trier », « séparer », et de là, « trancher », « décider »). Ils passent au crible un corpus jusqu’à discerner les critères permettant de faire apparaître des phénomènes. L’activité consistant à « cribler » et « séparer » trouve alors un corolaire dans un autre geste, celui consistant à « relier », à « rassembler » des œuvres de nature différente (ce geste se trouvant par définition, au centre du champ de la littérature comparée).
Plus que tous les autres peut-être, le corpus contemporain – face auquel il ne s’est pas encore établi de tradition d’interprétation ou de lecture – place les chercheurs en situation de se faire, dans une certaine mesure, « critiques ». Dans l’abondance foisonnante des textes écrits, il faut trier, choisir, inventer des corpus. Ceci exige d’adapter les outils de lecture aux œuvres à mesure même qu’elles émergent, et peut-être de faire émerger de nouvelles manières de lire.Si les corpus contemporains permettent d’accentuer les phénomènes mis en jeu dans la plupart des travaux en littérature, ils n’autorisent pas à écarter aussi facilement que d’autres corpus la question de la valeur. Choisir de prêter attention à une œuvre contemporaine – alors même qu’une connaissance du champ approchant de l’exhaustivité est impossible – c’est toujours lui donner de l’importance et peut-être contribuer à l’élaboration de canons futurs.
Pour réfléchir à ces questions, nous choisirons des exemples permettant de faire apparaître deux grandes tendances de la littérature contemporaine. Actuellement, de plus en plus d’œuvres poétiques se construisent par « collectage ». Il s’agit de recueillir des fragments de souvenirs, de pensées ou de paroles permettant de faire entendre les voix que d’ordinaire on n’entend pas, et de les restituer sous la forme de montages. La notion d’auctorialité s’en trouve déstabilisée. De surcroît, le champ contemporain multiplie les manières de faire sortir la littérature hors du livre, pour la laisser se déployer sous d’autres formes. Ce sont certes les publications numériques, mais aussi l’organisation d’événements (comme par exemple les résidences d’auteur) et l’installation de textes in situ, dans l’espace physique, prenant parfois la forme d’œuvres visuelles et rencontrant au gré du hasard de nouveaux lecteurs. Pour aborder ces textes, il devient nécessaire non seulement de commenter leur matérialité et leur inscription dans un paysage, mais aussi de passer par l’enquête de terrain. Il s’agit d’emprunter, pour les adapter, certains des outils des sciences sociales.
Au cours de cette séance deux questions seront examinées :
          - Que faire de la question de la valeur des textes dans un travail de recherche en littérature ?
          - Comment élaborer des manières de lire adéquates à des objets nouveaux ?

Bibliographie indicative : voir catalogue formations 2023-2024 p. 10


Voies négatives et processus d'écriture : pour des outils théoriques en recherche-création.

L’objectif de ce séminaire transversal (transartistique et transdisciplinaire) est d’ouvrir des perspectives pour les doctorats en recherche-création littéraire, en alliant outils théoriques et pratiques, de manière à tisser un pont entre philosophie et création, et permettre d’articuler les trois parties de ce nouveau doctorat (dimension créative, dimension autoréflexive, dimension théorique) en ouvrant un nouveau champ d’approche transversal qui relève de l’épistémologie du processus créateur.
Il s’agit ici d’étudier le processus créateur, non d’un point de vue rhétorique, mais d’un point de vue anthropologique et philosophique, en montrant comment il délimite à la fois un champ d’expérience et un outil de connaissance propre à réorganiser les savoirs, notamment littéraires, dans le cadre d’une approche heuristique.
Dans le contexte de la pandémie mondiale, les notions négatives de détachement, de renoncement font désormais partie de notre monde contemporain, nous invitant à de nouvelles formes de vie, nous incitant à revoir notre relation à nous-mêmes et aux autres, à dépasser les rhétoriques de la certitude, à nous confronter aux impasses de nos représentations. Par « voie négative », nous n’entendons ni un déconstructivisme postmoderne, ni un avatar du nihilisme, mais un mode d’appréhension de l’inconnu par le biais du seul fait de créer, à travers un lexique que des écrivains et des artistes remettent au goût du jour, nous confrontant aux questions anthropologiques que sont la présence et l’absence, l’événement et l’apparition, le corps et la chair, le visible et l’invisible, le langage et la parole.
Ce séminaire permettra de confronter et de croiser des approches propres à la littérature, aux arts plastiques, aux arts de la scène.

Séance 1 ---> JEUDI 7 MARS 2024
Séance 2 ---> JEUDI 21 MARS 2024
Séance 3 ---> JEUDI 25 AVRIL 2024
Programme 2023-2024